Les phobies

Connaître et comprendre les phobies :

De la bronto-phobie (peur des éclairs) à l’hématophobie (peur du sang) et jusqu’à la photophobie (peur d’avoir peur), la liste des phobies semble illimitée. Les connaître permet de mieux les combattre.

Établir une liste exhaustive des différentes phobies semble impossible. Et cela pour deux raisons principales.

D’abord, certaines d’entre elles apparaissent à la seule faveur de l’histoire singulière d’un individu. Ainsi, la phobie des bambous dont souffrait cet homme parce que ses parents, lorsqu’il était enfant, le corrigeaient sévèrement avec ses tiges…

D’autre part, il y a une tendance aujourd’hui à rajouter facilement le suffixe «phobie» à certains mots pour désigner des objets que l’on rejette.

Ainsi, on peut être technophobe sans ressentir une peur irraisonnée des ordinateurs!

Une certaine confusion règne donc au pays des phobies. Nous nous proposons donc, ici, de mettre le focus sur certaines d’entre elles, des plus classiques aux plus récentes, en passant par les plus farfelues.

Rappelons qu’à chaque fois ces peurs peuvent apparaître d’abord comme des craintes… mais, parmi elles, certaines se transformeront en peurs excessives, puis irrationnelles et chroniques.

➔ Les plus «anciennes»

Les phobies des éléments naturels

Phobie du feu (pyrophobie), des éclairs (brontophobie), du vent… La programmation génétique semble ici en jeu. Ces terreurs sont probablement du même ordre que celles ressenties par les premiers hominés qui dormaient dans les grottes et devaient endurer, sans protection, les intempéries. Par déplacement, on peut observer des phobies de végétaux, d’arbres.

La phobie de l’eau ou aqua-phobie

Elle a une place à part, car elle naît de cet instinct protecteur qui nous pousse à nous éloigner de l’eau, nous qui ne savons pas nager d’instinct. Peu à peu, certaines conditions rassurantes (avoir pied, porter une bouée, etc.) permettent à la personne anxieuse de se familiariser avec l’élément redouté. On constate des phobies de l’eau chez 2,5 à 5% des enfants de moins de 10 ans.

«Selon une étude récente, affirme le Dr Mirabel-Sarron, elle relèverait en partie de l’apprentissage par observation des comportements de personnes de l’entourage. Et les enfants aqua phobies sont souvent les aînés d’une fratrie.» À l’âge adulte, certains phobiques refusent toute baignade ou toute promenade en bateau.

Le thérapeute devra définir s’il s’agit plutôt d’une peur de type «environnement naturel» ou d’une «phobiede l’espace», à savoir une terreur «dans l’eau» et non pas «de l’eau». C’est toujours l’exposition in vivo, graduée et associée à la relaxation, qui donne les meilleurs résultats thérapeutiques.

Les phobies des animaux

Elles sont les plus fréquentes (22% de la population en serait atteinte sous forme de peur excessive, 5 % sous forme de phobie). Elles aussi sont probablement inscrites dans nos gènes, car elles concernent pratiquement tout le panel animalier (des reptiles aux insectes) et, par extension, peuvent se transformer en phobie des poils ou des plumes. Hitchcock en a fait une superbe représentation dans son film Les Oiseaux.

Ces peurs se doublent parfois d’un sentiment de dégoût: ainsi la phobie des rats s’explique par un rejet de la saleté, tandis que les serpents terrorisent à cause de leur aspect visqueux. Même si les animaux redoutés ne sont pas dangereux (cf. la phobie des chauves-souris, la chiropto-phobie), la phobie empêche de les regarder et de les toucher. La peur des chats (ailuro-phobie) se double souvent d’une allergie.

On dit que Napoléon Bonaparte et Jules César en souffraient. Pour le Dr Roland Coutanceau, cette focalisation sur un animal a une dimension fétichiste: «L’animal est alors un “excitant répulsif”, la personne lui affectant une surreprésentation psychique. À travers lui, elle touche à l’essence même de son anxiété».

La phobie du sang

On trouve parfois regroupées dans une même famille toutes les peurs liées à la maladie, dites nosophobies (phobie du sang, des piqûres, des procédures médicales et même des blouses blanches!). Dans cette catégorie, la phobie du sang (hématophobie) est spécifique car elle amène le plus souvent la personne à s’évanouir.

«On s’est aperçu que les personnes souffrant de cette phobie étaient en majorité des femmes, note le Dr Mirabel- Sarron et qu’elles avaient aussi très souvent des mères souffrant des mêmes troubles.

Il y aurait donc une transmission particulière de la phobie du sang, différente des autres troubles anxieux, avec des facteurs génétiques peut-être portés par les chromosomes féminins et impliqués dans les réactions cardio-vasculaires associées.»

Les peurs de l’enfance

Nous les avons tous connues: peur du noir, des gros animaux, des sorcières dans les contes… Souvent, les clowns ou certaines poupées déclenchent de véritables terreurs chez les petits. «À cause de leurs visages fixes ou très maquillés, explique le Dr Antoine Pelissolo. Les émotions sont impossibles à décoder pour l’enfant, ce qui est une grande source d’angoisse.»

Ces réactions anxieuses, parfois très fortes, sont considérées comme faisant partie du développement psychologique normal de l’enfant.

Elles ont même une fonction adaptative à l’inconnu, à l’altérité, et l’on a pu en établir une chronologie: à 2 ans, les phobies de certains animaux apparaissent, à 4/5 ans, celles des brûlures par le feu, de la noyade…

Cependant, lorsque certaines d’entre elles perdurent ou prennent des formes exceptionnelles (phobie de l’eau chaude, de mourir), il convient de consulter. De même pour ce qui concerne la phobie scolaire (voir encadré en fin d’article).

➔ Les plus modernes

Les phobies sociales

À la fois très fréquentes et parfois très invalidantes. «Dans cette catégorie, c’est la peur du regard et du jugement de l’autre qui l’emporte, précise le Dr Roland Coutanceau. Derrière, se cache presque toujours un profond sentiment d’auto dévalorisation.»

Peur de l’autre, perçu comme un agresseur, mais aussi de l’exclusion quand il s’agit d’un groupe. La timidité en est la forme la plus partagée, qui peut aller de la difficulté à parler en public au refus de rencontrer de nouvelles personnes.

Le trouble anxieux se manifeste alors avant l’épreuve (le trac), pendant (incapacité à communiquer, bégaiement), mais aussi après, quand le phobique se martèle de reproches car il n’a jamais «assez bien fait».

L’éreutophobie (peur de rougir en public) est fréquente et repose sur une peur de ne pas avoir de contrôle sur ses rougissements, la visibilité de ses émotions, etc. La peur du ridicule est aussi présente derrière de nombreuses anxiétés sociales. Pour ce type de phobies, la thérapie de groupe est particulièrement recommandée.

Les agoraphobies

Ces phobies complexes sont parmi les plus paralysantes: les personnes refusent de sortir de chez elles et de se retrouver dans des transports ou des rues désertes. «De plus, ces phobiques consultent forcément peu, ajoute le Dr Antoine Pelissolo. Ils ont réellement beaucoup de mal à venir jusqu’à l’hôpital!»

L’agoraphobie est la peur d’être dans un grand espace ou encore dans un lieu public «si tout à coup quelque chose arrivait». (cf. page 91). De nombreuses situations peuvent alors devenir phobogènes: traverser un long pont, se promener seul dans la nature… «La peur commune à tous les agoraphobes est la peur générale du vide, à laquelle est associée une peur d’avoir peur», précise le Dr Christine Mirabel-Sarron.

À son exact opposé, la claustrophobie, assez courante (5% de la population en souffrirait), repose sur une peur de l’étouffement, des endroits clos. L’immersion graduelle, et accompagnée, dans les lieux redoutés est recommandée.

La phobie de l’avion

La médiatisation des grands crashs aériens n’a rien arrangé: 23 % des voyageurs fréquents craignent l’avion, tandis que 9% des Français ne le prennent jamais à cause de cette peur.

L’aérodromophobie, avec la terreur de circuler en train ou de naviguer, appartient à la catégorie des phobies des transports. De nombreuses compagnies aériennes proposent aujourd’hui des stages «anti peur» encadrés par des psychologues, qui permettraient de se libérer de ce trouble.

La personne est installée dans un avion à l’arrêt, puis on actionne un simulateur de vol et l’on met en scène des phénomènes de turbulences… «Cependant, on peut avoir une terreur de l’avion selon des niveaux différents, ou tous réunis, explique le Dr Roland Coutanceau.

La terreur de ne pouvoir sortir de la carlingue relève de la claustrophobie ; on peut aussi souffrir de la phobie du vide, de ne rien pouvoir maîtriser (agoraphobie) ou tout simplement avoir peur du crash aérien… Il importe de démêler cet écheveau anxieux pour aider au mieux la personne.»

➔ Les plus récentes

La phobie des bruits de bouche

De plus en plus de personnes se plaignent de ne pouvoir supporter la mastication ou déglutition de leur voisin de table. Mais on ne peut parler là de peur.

«Il s’agit plus d’une anxiété obsessionnelle, estime le Dr Antoine Pelissolo. Certains ont même peur des gargouillis de ventre, les leurs mais aussi ceux des autres! On est alors dans une forme de rejet social, comme pour la phobie des bruits de voisinage: comme je ne contrôle pas mon territoire, l’autre me dérange.»

La peur d’avoir peur (phobophobie) !

Elle appartient davantage à l’anxiété de performance qui a tendance à se généraliser aujourd’hui. «Nous avons à la fois plus de pression et moins de repères pour accomplir des choses, observe le Dr Antoine Pelissolo.

Par conséquent, même si la composante endogène ne varie pas, l’environnement influe fortement sur notre niveau d’anxiété.»

80% des enfants souffrant de phobie scolaire ont été victimes d’un harcèlement psychique ou d’une agression physique dans le cadre de l’école.

Les phobies

Remédier à la phobie scolaire

Environ 4 à 5% des enfants scolarisés, tous âges confondus, présentent des troubles anxieux en relation avec l’école. Et 1% d’entre eux souffrirait d’une forme extrême de ce syndrome.

On les dit alors victimes de «phobie scolaire». Mais le diagnostic reste difficile à poser, les parents ayant tendance à penser, malgré les vomissements, les pleurs, le refus de se lever le matin manifestés par l’enfant, qu’il «fait semblant».

Quant aux professionnels, il leur faut distinguer le refus scolaire, qui vient d’un trouble des apprentissages, l’absentéisme de convenance d’un refus vraiment lié à trop d’anxiété. Dans ce dernier cas, l’enfant dit être désireux de suivre les cours, il peut même être doué, mais il n’y arrive tout simplement pas.

Une enquête menée par une association de parents a montré que 80% des enfants souffrant de phobie scolaire ont été victimes d’un harcèlement psychique ou d’une agression physique dans le cadre de l’école. Pour les experts, le refus scolaire est aussi à envisager en rapport avec les angoisses de séparation nées dans la toute petite enfance et qui se réactivent à la faveur de la scolarisation.

Les meilleurs traitements à ce jour restent une prise en charge de type TCC ou une psychothérapie familiale. Dans le premier cas, on encourage l’enfant à effectuer d’autres apprentissages, comme l’envoyer chercher du pain et lui apprendre à compter la monnaie, ce qui lui permet de développer ses compétences et sa confiance en lui. En thérapie familiale, le thérapeute cherche à mettre au jour les règles et les enjeux familiaux dissimulés derrière le trouble scolaire de l’enfant.

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